Appel à contributions : Le renouveau de la taxonomie : modalités, effets et enjeux pratiques (dir : Faugère et Mauz)

Le renouveau de la taxonomie : modalités, effets et enjeux pratiques

Editeurs invités : Elsa Faugère [1] et Isabelle Mauz [2]

Dossier publié :
RAC 2013/2 (Vol. 7, n° 2). Le renouveau de la taxonomie : modalités, effets et enjeux pratiques

La taxonomie, dont l’objectif est de collecter, identifier et classer les espèces, connaît actuellement un renouveau important de ses pratiques. Ce numéro de la Revue d’Anthropologie des Connaissances entend identifier et analyser les modalités et les enjeux pratiques des changements en cours dans cette discipline, considérée depuis longtemps comme en crise.

Dans les années 1980, à la suite d’une expérience marquante, les biologistes découvrent l’étendue de leur ignorance de la diversité spécifique : en 1982, un biologiste américain, Terry Erwin, pulvérise de l’insecticide sur un arbre isolé de la forêt amazonienne et récolte un nombre inattendu d’espèces. La magnitude de la diversité spécifique apparaît bien supérieure à ce que l’on soupçonnait auparavant et l’idée se diffuse qu’il convient de passer à un autre rythme dans l’investigation du vivant :

« Le rêve des naturalistes – décrire exhaustivement l’ensemble des espèces, les répertorier et les classer, s’éloigne. Ensuite, le désaccord sur l’ordre de grandeur (de 10 à 100 millions d’espèces) indique que l’on est incapable de quantifier le nombre d’espèces. Et enfin, étudier la « biodiversité spécifique » nécessite une toute autre force de frappe que celle de quelques naturalistes isolés réalisant, sans trop de moyens, des missions de courte durée dans des environnements riches ». (Le Guyader 2008 : 8) :

Simultanément, les biologistes découvrent les menaces pesant sur les espèces vivantes. Au cours du Forum National sur la Diversité Biologique qui s’est tenu en 1986 à Washington D.C., des biologistes de la conservation américains lancent l’alerte à propos de la crise que traverse la diversité du vivant. Cet appel a un impact médiatique et politique significatif. Pour les biologistes, la diversité biologique disparaît si rapidement que certains n’hésitent plus, dès lors, à parler de 6ème crise d’extinction des espèces.

Ces découvertes ont entraîné différentes initiatives internationales qui, au cours des années 1990 et 2000, ont visé à trouver des solutions à deux problèmes :

  • le manque de connaissances scientifiques sur la biodiversité des espèces ;
  • la nécessité et l’urgence d’élaborer des politiques de conservation de la biodiversité avant qu’elle ne disparaisse.

Au début des années 1990, les biologistes considèrent qu’ils sont face à ce qu’ils appellent un « handicap taxonomique », qui va considérablement freiner la production pourtant urgente de nouvelles connaissances scientifiques sur la biodiversité, ainsi que le besoin, non moins urgent, de nouvelles politiques conservationnistes :

« Le paradoxe est que, malgré l’ampleur des enjeux, le rythme d’exploration et de description de la biodiversité est dérisoire. Au rythme actuel de la progression des connaissances, il faudrait 250 à 1 000 ans pour aboutir à l’inventaire de la biodiversité réclamé par les décideurs, les scientifiques et les gestionnaires. C’est d’ailleurs ce que la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) appelle le « handicap taxonomique » (Bouchet, Le Guyader, Pascal 2008).

Au cours des années 1990 et 2000, de nombreuses initiatives tentent de surmonter ce handicap. On peut les classer en deux grands groupes :

  • des dispositifs internationaux, gouvernementaux et non gouvernementaux (par exemple le Global Taxonomy Initiative, le Global Biodiversity Information Facility, le European Distributed Institute of Taxonomy, le Consortium for the Barcode of Life, etc.), qui cherchent à moderniser la discipline taxonomique, en recourant d’une part aux techniques modernes de saisie, de traitement, de diffusion et de stockage de l’information [3] , d’autre part à la génétique. En faisant de la systématique une cyberscience, il s’agit de renouveler et de dynamiser les réseaux mondiaux de taxonomistes. L’utilisation de la génétique change, quant à elle, les modalités d’identification des espèces ;
  • des grandes expéditions naturalistes, soutenues notamment par des fondations privées, qui rassemblent plus d’une centaine de participants utilisant une grande diversité de techniques d’échantillonnage, de collecte, d’inventaire, d’exploration de la biodiversité terrestre, marine et souterraine.

Cette vieille discipline qu’est la taxonomie connaît ainsi un ensemble de mutations, qui touchent aux techniques et aux compétences qu’elle met en œuvre, aux partenariats qu’elle établit avec les institutions publiques et privées, à son organisation interne et à ses relations avec les autres disciplines impliquées dans la connaissance et la conservation du vivant.

En mobilisant des auteurs appartenant à des disciplines complémentaires (anthropologie, histoire, sociologie), ce numéro thématique propose de décrire et d’analyser ces mutations en cours. Les articles pourront notamment éclairer les questions suivantes :

  • Comment l’introduction des différents changements évoqués dans le travail des systématiciens s’opère-t-elle ? Selon quelles voies et avec quels emprunts théoriques et techniques à d’autres disciplines ? Avec quels soutiens institutionnels, publics et privés ? Avec quelles motivations, quelles espérances et quelles difficultés ?
  • Quels effets le recours à de nouvelles techniques et technologies a-t-il sur la nature des savoirs produits et sur les relations des systématiciens à leurs objets et à leurs espaces de travail et à leurs terrains, du sud et du nord ?
  • Quels effets les changements évoqués exercent-ils sur la communauté des systématiciens ? Introduisent-ils, par exemple, des différences entre les spécialistes des différents taxons ou entre les professionnels et les amateurs, ces derniers ayant a priori difficilement accès à des techniques coûteuses, peu mobiles et, de ce fait, largement inféodées à l’espace du laboratoire ?
  • Dans quelle mesure et de quelle façon ces changements modifient-ils les relations des taxonomistes avec les spécialistes des autres disciplines impliquées dans la connaissance et la conservation du vivant ? Le statut de la taxonomie au sein des sciences du vivant s’en trouve-t-il amélioré ?

Calendrier :

Une pré-sélection des articles sera effectuée sur la base de résumés d’une à deux pages, à envoyer aux éditeurs invités avant le 20 janvier 2012.

Les articles définitifs sont attendus pour le 30 juin 2012.

Evaluation et décision pour octobre 2012. Version finale pour décembre 2012.

Parution probable du numéro prévue en mai 2013.

Les propositions sont à envoyer aux coordinatrices de ce dossier :

Elsa Faugère : faugere@avignon.inra.fr
Isabelle Mauz : isabelle.mauz@cemagref.fr


Une fois la proposition acceptée quelques liens utiles :

[1Elsa Faugère est Anthropologue, INRA, Ecodéveloppement, Avignon.

[2Isabelle Mauz est sociologue, Cemagref, Grenoble.

[3Sur ce sujet, on peut se référer au dossier de la RAC sur les « Ressources biologiques » coordonné par Fabien Milanovic .

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