Circulations des enseignants et chercheurs africains dans le contexte académique mondialisé : ruptures et continuités
COORDINATEURS DU DOSSIER :
- Hamidou Dia (sociologue, IRD/Ceped)
- Luc Ngwé (politiste, ARES)
Cet appel à propositions d’articles vise à mettre en débats les transformations suscitées par les mobilités des enseignants et chercheurs africains depuis près de trente ans. Le dossier cherchera à documenter les changements survenus durant les dernières années dans les orientations des mobilités internationales des enseignants et des chercheurs africains, en indiquant les conséquences de ces mobilités sur la production de connaissances et les enjeux pour les politiques publiques.
Quelles formes prennent les mouvements de circulation des enseignants et chercheurs africains et quels canaux suivent-ils ? Quels sont les profils de scientifiques engagés dans ce marché du travail ? Quels sont les principaux pôles d’attraction de ces enseignants et chercheurs et sur quels enjeux se structurent-ils ? Quels sont les pays d’Afrique et les réseaux scientifiques les plus concernés par ces circulations ? Comment les pays et les universitaires africains gèrent-ils ce nouvel âge des mobilités scientifiques ? Comment les identités professionnelles des chercheurs et enseignants concernés évoluent-elles ? De quelles manières les transformations observées reconfigurent-elles à la fois les champs académiques locaux et d’accueil ? Comment ces dynamiques plurielles influent-elles sur la production des connaissances et leurs contenus ?
Nous assistons, en effet, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, à une reconfiguration substantielle des motivations et des formes de la mobilité des enseignants et des chercheurs, autrefois fortement marquée par les rapports coloniaux antérieurs (Guèye, 2001), les besoins de formation des enseignants et chercheurs du continent (Mvé-Ondo 2005), ainsi que par l’idéologie développementaliste (Ngwé 2014). Cette reconfiguration trouve ses sources dans plusieurs facteurs. Le marché du travail académique, en rapport avec l’internationalisation accrue de l’enseignement supérieur, se mondialise et fait bouger les clivages établis (Meyer, Kaplan & Charum 2001), en particulier linguistiques notamment entre francophones et anglophones (Dedieu 2003). Dès lors, les dynamiques de mobilité internationale des Africains se transforment consécutivement à différents processus internationaux et internes aux pays. De nouveaux pôles de savoirs apparaissent en Asie, en Amérique latine et dans une moindre mesure sur le continent africain même, entraînant une remise en question des grandes divisions traditionnelles en termes de régions productrices des connaissances scientifiques (Losego & Arvanitis 2008 ; Belkadi & Charef 2009 ; Touré 2014 ; Gérard et Wagner 2015). Ces nouveaux pôles de recherche et de formation séduisent de plus en plus les universitaires africains (Dia 2014 ; Mazella & Eyebiyi 2014). Les institutions d’enseignement supérieur et de recherche de pays européens et nord américains offrent aussi des possibilités différentielles de carrière selon les pays et surtout selon les disciplines (Elnur 2002). Ainsi, par exemple, les Etats-Unis et le Canada anglophone arrivent à attirer les universitaires et chercheurs africains, y compris francophones (Fall 2014).
Les modalités de la circulation empruntent ainsi des formes variées qui ont partie liée avec les relations d’interconnaissance souvent tissées lors de la formation. Ces migrations des Africains qualifiés débouchant souvent sur une installation professionnelle dans les pays du Nord opposent depuis longtemps principalement deux thèses : d’une part, certains auteurs ont théorisé le pillage des cerveaux africains dans un contexte de construction des Etats après les indépendances (Traoré 1979a) ; d’autres auteurs défendent l’idée de la possibilité de concilier l’inscription dans le marché du travail international et l’opportunité de mettre les compétences acquises à l’étranger au service des pays de départ (Guèye 2011). Sans évacuer ces controverses de fond sur ce sujet qui concerne aussi d’autres parties du mondes (Gaillard 2003 ; Nedelcu 2004 ; Machart et Dervin 2014), ce dossier explore ces questions sous l’angle nouveau de la circulation des enseignants et chercheurs, toutes disciplines confondues, dans le contexte africain.
En effet, les institutions d’enseignement supérieur et de recherche offrent de nouveaux cadres de projets et programmes de recherche, des succursales des institutions du Nord dans les pays africains ou encore des invitations pour les séminaires, conférences et séjours qui forment une vie scientifique et académique « sans frontières » (Copans 2000). Certains scientifiques s’impliquent dans les traditions nationales d’enseignement et de recherche, tout en cultivant une activité académique de niveau international. Inversement, les scientifiques africains sont implantés dans les structures d’enseignement et de recherche au Nord tout en cultivant des rapports divers avec le continent (Dia 2005 ; Tall & Tandian 2010).
Ces transformations à différentes échelles se prolongent dans la production des connaissances par les chercheurs africains restés sur le continent ou poursuivant des carrières à l’international. Souvent consacrés dans les hauts lieux de la production scientifique mondiale, ces chercheurs contribuent au renouvellement des problématiques, des dispositifs, des réseaux et des résultats de recherches, particulièrement ceux qui prennent pour objet leurs pays et régions d’origine, notamment en sciences sociales. En effet, la co-conception de projets et programmes de recherches, et la co-publication avec des partenaires d’autres parties du monde permettent aussi aux scientifiques africains employés dans des universités et centres de recherches du continent et au Nord d’influer sur les formes de production des connaissances.
Enfin, les technologies de l’information et de la communication bousculent les réseaux et les formes d’interconnaissance établis et donnent de la sorte aux scientifiques africains une plus grande ouverture aux manifestations scientifiques tenues au Nord ainsi que davantage de visibilité à leurs productions, à l’instar d’autres populations scientifiques du monde (Gaillard & Gaillard 1999 ; Meyer 2012).
En fonction de ces enjeux, les contributions attendues pourront concerner tous les pays africains ou le continent et peuvent s’inscrire dans les axes suivants :
Il s’agit d’abord de dresser une cartographie des dynamiques et des réseaux d’enseignants et de chercheurs africains engagés dans ces processus. Elle peut être faite en fonction de divers marqueurs (la nationalité, la discipline, la langue de travail du pays de départ ou encore en fonction des pratiques de mobilités observées). Les modalités de structuration de ces réseaux, leurs champs d’intervention, leurs supports pratiques, leurs moyens institutionnels et éditoriaux scientifiques, de même que leurs répertoires d’action doivent également être documentés.
Ensuite, se pose la question des conséquences de ces circulations sur la production des connaissances. Selon qu’ils circulent entre plusieurs espaces, qu’ils s’établissent définitivement à l’étranger ou qu’ils optent pour le retour au pays, les types de savoirs, notamment sur l’Afrique, fabriqués, portés, transmis ou diffusés peuvent prendre des formes différentes. Il s’agit par conséquent de les documenter en fonction de chacune de ces occurrences. Aussi une étude de l’accès à l’édition serait-elle bienvenue ; dans quelle mesure la circulation permet-elle de passer les barrières du contrôle scientifique des revues et des maisons d’édition dans les régions hégémoniques ? Ici une analyse des effets des circulations sur les champs de savoirs tant dans les pays qui reçoivent que dans les pays de départ est souhaitée.
Enfin les articles doivent poser la question du positionnement des Etats d’origine et d’installation, ainsi que des différentes institutions publiques ou privées impliquées (universités, fondations, centres de recherche…), par rapport à ces circulations en termes de législations, de mobilisation et de support. Une attention particulière peut être portée à la problématique de l’articulation entre politiques scientifiques nationales, régionales et/ou communautaires, internationales et politiques d’émigration et/ d’immigration.
Cet appel s’adresse à des chercheurs des différentes sciences humaines et sociales dont les contributions peuvent être rédigées en français ou en anglais (attention, les propositions soumises en anglais, si elles sont acceptées pour publication, devront impérativement être traduites en français).
Modalités de soumission :
Les propositions d’articles doivent être envoyés à Hamidou Dia (hamidou.dia@ird.fr) et à Luc Ngwé (lngwe2002@yahoo.fr) pour inclusion dans le dossier. Les auteurs retenus auront alors à soumettre leur article pour évaluation par la Revue d’anthropologie des connaissances selon les modalités explicitées sur son site (http://www.socanco.org/)
Calendrier :
- Envoi de la proposition d’article (ou résumé étendu) : le 16 novembre 2015 au plus tard.
- Réponse aux auteurs : le 1er décembre 2015 au plus tard.
- Envoi d’une première version des articles préselectionnés : le 30 mars 2016 au plus tard.
- Publication du dossier : mars 2017 .
Une fois accepté par les coordinateurs, un article doit être soumis pour évaluation Les articles doivent être déposés sur le site de la Revue d’Anthropologie des Connaissances en respectant les règles de rédaction et notamment l’anonymat pour permettre une évaluation "en aveugle".
- Voir les instructions aux auteurs
- Longueur des articles : 45.000 signes à accompagner d’un résumé en français. Si l’article est retenu il faudrait forunir un résumé en anglais et si possible espagnol de 250 mots.
- Comment soumettre un article ?
- Comment utiliser les feuilles de styles de la RAC sous WORD ?
- Comment rendre un article « anonyme » ?
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cf bibliographie indicative dans le document en PDF.