Appel à articles : Rencontres entre STS et philosophie des sciences et des techniques
Dossier coordonné par Juan-Carlos Moreno
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Date limite de réception des articles : 13 septembre 2020
Revenir sur quelques rencontres entre STS et philosophie des sciences et des techniques : effets, conditions et gains possibles des mises en relation entre approches et perspectives qui étudient les sciences et technologies.
Problématique
Depuis le milieu du 20ème siècle, les courants de pensée qui se sont donnés pour objet l’étude des sciences et technologies ont pris de l’ampleur et se sont diversifiés de manière significative ; ils ont construit leurs propres traditions intellectuelles et cadres théoriques. Le développement rapide et dynamique des STS et son évolution passant de l’étude sociale des sciences et technologies (laissant parfois supposer que S&T sont un monde à part) à l’étude des “sciences et technologies en société” a, en particulier, entraîné la remise en question du point de vue privilégié qu’avaient les perspectives traditionnelles en philosophie de la science et de la technologie et les a sommées de s’assumer comme points de vue particuliers, sans privilège épistémique. Grâce aux contributions de courants de recherche comme la sociologie de la connaissance scientifique (SSK), l’histoire des sciences et l’anthropologie des sciences, les cadres théoriques, les problématiques et les débats ont été redessinés et enrichis de façon significative.
Chemin faisant, des rapprochements théoriques productifs ont émergé, par exemple chez les auteurs suivants où les échanges entre les domaines mentionnés sont explicites (Hacking, 2002, 1999, 1983 ; Rouse, 2011, 2002, 1999, 1996, 1993 ; Latour, 1999a, 1999b, 1987 ; Martínez, 2015, 2008 ; Daston, 2011, 2009, 2007, 2000 ; Rheinberger, 2010, 1997 ; Pestre, 2006) mais aussi de la distanciation et du cloisonnement disciplinaire, liés à des différences de cadre théorique et de méthode d’analyse autant qu’à des préjugés et à des contextes qui ont limité l’examen conjoint des questions et le développement de discussions. Après plusieurs décennies, l’écart entre la philosophie de la science, la philosophie de la technologie et les études sociales des sciences et technologies s’est parfois creusé (Barberousse, 2018).
Les philosophes de la science semblent parfois se méfier des sciences sociales et de toutes les analyses qui en découlent. Ils semblent également s’accrocher à l’étude des théories scientifiques, d’un point de la vue aprioristique, sans vraiment de contenu empirique, tandis qu’ils sous-évaluent et ignorent souvent l’ampleur, la variété et la fécondité des études portant sur les pratiques scientifiques et sur les processus sociaux, matériels et techniques, au détriment aussi des études technologiques.
De leur côté, les études sociales des sciences et technologies semblent nourrir l’idée d’une bien faible pertinence de la philosophie pour l’analyse des problématiques au cœur des sciences et technologies contemporaines. Mettant en avant les analyses empiriques et les études de cas, elles auraient parfois tendance à diluer et à instrumentaliser les cadres, les concepts et les problèmes théoriques généraux. Cela se traduit par deux limites principales :
- Elles produisent un grand nombre d’études de cas sans revenir à une réflexion d’ensemble sur le phénomène général des sciences et des techniques. Parfois, les discussions portent sur des détails, notamment méthodologiques ou empiriques, de manière déconnectée à des évolutions d’ensemble. L’importance accordée à l’étude des situations locales et des causalités sociales, sociomatérielles et politiques conduit à sous-estimer l’intérêt des études macro, de long terme et l’histoire conceptuelle.
- Elles ne reviennent pas non plus toujours sur une réflexion conceptuelle. Parfois, les discussions ne mettent guère l’accent sur la capacité des cas à construire de nouveaux concepts théoriques et de nouveaux cadres ou à améliorer ceux qui existent. Ces études semblent se distancier de toute réflexion portant sur les cadres théoriques et les concepts, ce qui limite la discussion avec d’autres perspectives.
Des philosophes comme Ian Hacking et Joseph Rouse s’appuient sur les études sociales des sciences et des techniques pour penser philosophiquement ces phénomènes. Des chercheurs comme Bruno Latour sont passés d’une discipline à l’autre. D’autres les articulent comme la sociologue et philosophe Annemarie Mol ou la chercheuse Loraine Daston. Des auteurs sont des références partagées. Les articulations, rapprochements et discussions, pourraient toutefois être plus importantes entre ces chercheurs qui traitent des mêmes.
Au-delà d’un état des lieux des articulations entre STS et philosophie, cet appel entend contribuer aux échanges entre ces approches. Faisant l’hypothèse que beaucoup d’études en STS pourraient nourrir la réflexion philosophique en l’ancrant dans un vaste répertoire de travaux empiriques et conceptuels, tandis que les recherches des STS pourraient bénéficier des réflexions théoriques et conceptuelles des philosophes des sciences et des techniques, cet appel vise à promouvoir le dialogue et le débat entre ces différentes approches des sciences et des technologies, afin d’expliciter des différences et d’enrichir l’échange.
Thématiques possibles
Les articles traiteront des effets, conditions et apports des mises en relation, articulations ou confrontations entre STS et philosophie des sciences et des techniques. Les contributions pourraient être (sans exclusivité) :
- Des études de cas de rapprochements engagés entre STS et philosophie des sciences et des techniques.
- Des réflexions, articulant si possible études de cas et travail conceptuel, sur la pertinence et les possibilités de nouvelles articulations ou circulations.
- Des travaux conjoints pour traiter d’un objet particulier (par exemple, l’ontologie, la méthode, la technique, l’expérience) en l’analysant à partir de questions empruntant aux deux champs et nourrissant une réflexion importante sur l’intérêt d’un double ancrage disciplinaire.
- D’analyses philosophiques qui utilisent et valorisent les apports STS ou analyses qui partent d’analyses historiques ou sociales ou de concepts et méthodes STS.
- D’analyses STS qui se nourrissent d’analyses philosophiques ou y font une contribution.
- Dans tous les cas, la discussion d’expériences (en cours ou passées) de débat et de rapprochement entre philosophie des sciences et techniques et STS doit occuper une place centrale dans les articles. Il s’agit de repérer des questions à l’articulation des deux champs et les enjeux de ces articulations.
L’appel à article est conçu et lancé conjointement par la Revue d’Anthropologie des Connaissances, en français, et par la revue colombienne Trilogía, promue par la Red Colombiana de Filosofía de la Tecnología
Modalités de soumission
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Les résumés étendus devront être déposés sur le site éditorial de la revue d’anthropologie des connaissances pour le 9 août 2020.
Pour les contributions retenues, les textes complets des articles, au format de la Revue d’Anthropologie des Connaissances (maximum 65 000 signes) seront à soumettre en ligne sur le site éditorial de la revue avant le 13 septembre 2020.
Les articles peuvent être soumis dans la langue de l’auteur (français, espagnol, portugais ou anglais) et seront évalués sur cette base. Il est toutefois demandé de fournir un résumé étendu (2 pages) en français, si l’article n’est pas en français, et/ou en espagnol, si l’article n’est pas en espagnol, afin que les Comités de rédaction, au-delà des évaluateurs travaillant dans la langue de l’auteur, puissent disposer des arguments clés des articles.
Les auteur·e·s peuvent éventuellement contacter les coordinateurs du dossier avant de soumettre leur proposition : Juan Carlos Moreno (juank.moreno[at]gmail.com) ou Dominique Vinck (Dominique.Vinck[at]unil.ch)
Le processus d’évaluation est géré par la Revue d’Anthropologie des Connaissances en coopération étroite avec les éditeurs invités, tous les deux membres du Comité éditorial de Trilogía.
À l’issue du processus d’évaluation et d’aller-retour avec les auteurs et que la version finale sera validée, il est demandé aux auteurs de fournir leur article en deux versions, l’une en parfait français pour sa publication dans la Revue d’Anthropologie des Connaissances, l’autre en parfait espagnol, portugais ou anglais pour publication dans Trilogía. Les articles seront publiés ainsi simultanément en deux langues.
Bibliographie
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Barberousse, A. (2018). Philosophy of Science and Science Studies. In A. Barberousse, D. Bonnay, M. Cozic (editors). The Philosophy of Science : A Companion (pp. 259-284). Oxford University Press.
DOI : 10.1093/oso/9780190690649.003.0007
Daston, L. & Lunbeck, E. (Eds). (2011). Histories of Scientific Observation. University of Chicago Press.
Daston, L. (2009). Science Studies and the History of Science. Critical Inquiry 35(4), 798 - 815
Daston, L. & Galison, P.P. (2007). Objectivity. Zone Books
Daston, L. (2000). Biographies of Scientific Objects. University of Chicago Press
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Latour, B. (1999a). We Have Never Been Modern. Harvard University Press.
Latour, B. (1999b). Pandora’s Hope. Essays on the Reality of Science Studies. Harvard University Press.
Latour, B. (1987). Science in Action : How to Follow Scientists and Engineers through Society. Harvard University Press.
Martínez, S. y Xiang Huang. (2015). Hacia una filosofía de la ciencia centrada en prácticas. Bonilla Arias Editores ; UNAM.
Martínez, S. et al. (2008). Normas y prácticas en la ciencia, 1a. ed. IIFs-UNAM.
Pestre, D. (2006). Introduction aux Science Studies. La Découverte.
Rheinberger, H. J. (2010). On Historicizing Epistemology. An Essay. Stanford University Press.
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Rouse, J. (1996). Engaging Science : How to Understand Its Practices Philosophically. Cornell University Press.
Rouse, J. (1992). What Are Cultural Studies of Scientific Knowledge ? Configurations 1, 1-22. URL
DOI : 10.1353/con.1993.0006
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